Groix et les liaisons au continent.

 

Le problème des liaisons entre Groix et le continent s'est toujours posé.

Malheureusement les documents manquent sur Saint Tudy accostant à Groix au Vème siècle, en provenance d'Irlande, fuyant les hordes barbares sur son vaisseu de pierre. Il en est de même en ce qui concerne Saint Gunthiern...
Avec l'établissement de la Compagnie des Indes à l'Orient (1666), les liaisons avec Port Louis et Groix se sont bien évidemment développées.
Dans les siècles qui vont suivre, l'histoire de ces liaisons maritimes va être indissolublement liée au développement de Lorient d'une part, de la pêche, de l'industrie et des ports (Port Lay puis Port Tudy) à Groix.
La première liaison régulière a été assurée par La Jeanne appartenant au groisillon Joseph Simon au XVIIème siècle ; au XIXème siècle, cest le sardinier Marc Jégo (dit "Père Mille-Mailles") qui prit le relai avec Les deux Mailles (chaloupe pontée construite en 1860 au Kernével et qui assurait le trafic de marchandises, de passagers, ainsi que l'acheminement du courrier).
Ces passeurs à voile ont été transitoirement concurrencés par la Compagnie "Les paquebots de la Loire" qui assurait une liaison vapeur (roue à aubes) Nantes-Lorient par Saint Nazaire, Belle-Ile et Groix, jusqu'à ce que le chemin de fer ne leur porte un coup fatal !
C'est le Tony, appartenant à la "Compagnie des Vapeurs Port-Louisiens" qui assura la première liaison vapeur Lorient-Groix à partir de 1873. Le Tony, construit aux chantiers de Chantenay sur Loire en 1862 était commandé par Pierre-Marie Néro. Il mesurait 18m de long, déplaçait 37 tonneaux ; sa machine développait 80CV. Il avait tout d'abord été affecté à la liaison avec Belle Ile. Lorsqu'il ne pouvait pas rentrer à Port Tudy, il allait se réfugier sous Fort Surville. Le 7 août 1895, le Tony heurta une torpille de la Marine Nationale. Il fut désarmé le 31 mai 1910.


Le Tony (à droite) à Port Tudy, derrière des thonniers (cliché ancien réédité par Crolard)
 

De 1892 à 1894, le Tony se voit adjoindre l'Angèle (capitaine-armateur A. Créqueur), construit aux chantiers Ollivaud, long de 23,6 mètres, plus particulièrement chargé du transport de marchandises.
En 1893, les enfants Le Duc, de Kermarec, vont assurer une liaison à la voile sur le Duc de Kermarec.


Le Tony à quai à Lorient.
 

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En 1893, le capitaine Martin Raude, encouragé par la "Croix de Groix" achète un vapeur, gréé en brick, mesurant 21,6 mètres, l'Armoricain, afin de tenter de faire concurrence aux vapeurs portlouisiens. La tentative échouera vite, mais conduira le Tony à assurer plusieurs rotations quotidiennes.
Le Tony sera remplacé transitoirement par la Sophie-Célestine.
Le Port-Tudy prit la relève en 1902. Il mesurait une vingtaine de mètres et avait été construit à Chantenay sur Loire. Il était également armé par la Compagnie des Vapeurs Port-Louisiens.


Le Port-Tudy en route vers Groix, carte postale A. Waron
 

 

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Le Port-Tudy à quai à Groix, carte postale Combier

 

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La cheminée du Port Tudy portait les couleurs des armements portlouisiens : une bande de couleur blanche surmontée d'une bande rouge. Il ne possèdait pas de timonerie abritée.
 


Arrivée du Port-Tudy, carte postale Lemire.

 


Le Port-Tudy à Lorient, carte postale Waron des environs de 1910

L'ancien Port Tudy est vendu en 1935 et va devenir le Ville de Noirmoutier pour servir encore de nombreuses années.


Le Ville de Noirmoutier, ancien Port-Tudy, assurant le service Pornic-Noirmoutier (carte postale Gaby).
 

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Le 9 juin 1901, Groix se dote de sa propre compagnie de navigation, l'Union Groisillonne, présidée par Adolphe Stephan, et met en chantier, grâce à une souscription de 93.000 francs-or ouverte aux groisillons, un vapeur de 25,2 m, jaugeant 91tonneaux, l'Ile de Groix, qui fête sa première arrivée à Port Tudy le 30 juin 1901 ; il est alors béni par le recteur de l'île devant une foule considérable. Il est commandé par Charles Bihan.

Ce navire est propulsé par une chaudière au charbon et une machine alternative de 200 CV, lui permettant une vitesse de 10 noeuds. Il peut accueillir 125 passagers (dans des conditions de confort jusque là inégalées) et 24 tonnes de frêt.
Sa cheminée est peinte de couleur chamois, avec les lettres UG de part et d'autre.


 


L'Ile de Groix, carte postale H. Laurent datnt de 1904

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Devant le succès de l'Ile de Groix, l'Union Groisillonne envisage la construction d'un second vapeur, avant de préférer acquérir le Jacques Clément qui deviendra l'Ile de Groix II. Ce navire, long de 20 mètres et propulsé par une machine de 120 CV arrive, après transformation, à Port Tudy le 27 mars 1902. Il sera désarmé en 1905.
La concurrence est rude entre Union Groisillonne et Compagnie des Vapeurs Portlouisiens, amenant même à un abordage entre le Port Tudy et l'Ile de Groix, le 21 avril 1904, entre la pointe Sainte Catherine et Port Louis.
Finalement, le 20 août 1905, l'Union Groisillonne va fusionner avec la Compagnie des Vapeurs Port-louisiens pour former l'Union Lorientaise Groisillonne et Port-Louisienne (U.L.G.P.L.), présidée par M. Perret, qui va exploiter l'Ile de Groix et le Port-Tudy. Ces deux navires pouvaient être appelés pour des missions de sauvetage en mer et devaient rester, alternativement, sous pression la nuit ; cette pratique a persisté jusque vers 1930.


L'Ile de Groix quitte Lorient, carte postale Villard de 1909.
 

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Le Pen Men est mis en service en 1931, en remplacement du Port Tudy. Il s'agit d'un bateau en bois de 93 tonneaux, long de 23,7 mètres, équipé d'un moteur diesel développant 150 CV. Le Pen Men disparut en 1943.


Le Pen Men entrant à Port Tudy, carte postale Nozais datant des alentours de 1935.

 

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Il sera rejoint en 1934 par le Pen er Vro, construit en Belgique en 1934 : navire de 28,2 mètres, propulsé par un moteur diesel de 300 CV, filant 11 noeuds; il jauge 120 tonneau, peut embarquer 87 tonnes de marchandise. Il présente une timonerie fermée. c'est le capitaine Joseph Jégo qui va l'amener de Belgique à Groix.
En 1932, l'Ile de Groix bénéficie d'une remise à neuf avec remotorisation (moteur Sulzer 20 CV). Elle terminera finalement sa carrière en 1959. Pas mal pour un navire construit en 1901 !
Durant la guerre, le Pen Men et le Pen er Vro ont été réquisitionnés par les allemands. Quant à l'Ile de Groix, elle ne put être utilisée du fait du danger des mines magnétiques pour les navires à coque métallique. Ce fut finalement une pinasse en bois, la Hélise-Maryse, qui assura les liaisons entre Groix et Keroman.
Le Pen Men disparut à l'entrée du Blavet au cours d'un bombardement en 1943. A la libération, on était sans nouvelles du Pen er Vro et c'est l'Ile de Groix qui assura les liaisons entre Groix et Concarneau libéré, puis Vannes.

Finalement le Pen er Vro est retrouvé en piteux état, échoué derrière la base sous marine de Lorient. il sera restauré par l'Arsenal de Lorient et reprendra du service en 1946, associé à la vieille Ile de Groix ; c'est le Pen er Vro qui va principalement assurer les liaisons, le vieux Ile de Groix le remplaçant pendant les pannes et révisions.


Le Pen er Vro devant Larmor.
 

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En 1949, l'ULGPL fait construire à Saint Malo le Pen Men II, long de 23,9 mètres, jaugeant 75 tonneaux, propulsé par 2 moteurs Poyaud de 120 CV, il peut transporter à 9,5 noeuds 150 passagers, 10 tonnes de frêt et 2 voitures.
En 1952, le Stella-Maris, pinasse en bois venant de Douarnenez, est mis en service entre Groix et Keroman par Lucien Goumon, ancien matelot, chauffeur puis capitaine sur les navires de l'UGPL; ce service sera interrompu en août 1954.
L'Ile de Groix III est mis en chantier à Lorient (Chantiers de La Perrière) et baptisé le 9 novembre 1959, permettant ainsi la mise à la retraite du très vieil Ile de Groix. il mesure 31,8 mètres, jauge 182 tonneaux, est propulsé par un moteur Poyaud de 540 CV, lui permettant une vitesse d'exploitation de 11,5 noeuds ; il peut embarquer 300 passagers, 30 tonnes de frêt et quelques voitures.. Le voyage inaugural a lieu le 30 avril 1960. Toutefois, des difficultés importantes liées à la barre et à la mauvaise visibilité, entrainent de nombreux incidents obligeant des renforts du Taillefer et du Kerdonis appartenant à la SETMC.


Le Pen er Vro entrant à Port Tudy.


Le vieil Ile de Groix à quai à Port Tudy, avant la construction du bassin à flot et l'élargissement de la cale.


Départ de l'Ile de Groix de la cale de Port Tudy.
 

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Confrontée à de graves difficultés financières, l'ULGPL est mise en liquidation en 1969. Elle est remplacée par l'Union Lorientaise et Groisillonne (ULG) qui va mettre en oeuvre la construction et l'expoiltation du J.P. Calloch : navire de 32,8 mètres, jaugeant 300 tonneaux, propulsé par deux diesels crepelle de 530 CV, il peut atteindre 12,6 noeuds, prendre à bord 350 passagers, 50 tonnes de frêt, 12 voitures.

Le Kreiz er Mor a été mis en service de 1977 à 2008, sous les couleurs de la Société Morbihannaise de Navigation puis de la Société Océane. Construit aux chantiers Chauvet à Paimboeuf, il pouvait embarquer 520 passagers et 20 voitures à 12 noeuds.
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Le Saint Tudy (44,5 mètres, 437 tonneaux, 11,6 noeuds, 350 passagers, 163 tonnes de port) est mis en service le 27 juin 1985. Les rotations sont assurées avec le renfort de l'Acadie, du Gerveur, et aujourd'hui le nouvel Ile de Groix.
 


Le Saint Tudy quitte Port Tudy où les voiliers de plaisance ont remplacé les thonniers.


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Sources :

- Histoire des liaisons martimes entre le continent et l'île de groix, Pierre François Feraud, Atelier Alpha Bleue éd.

- L'île de Groix, J. Ealet, M. Yvon, Alan Sutton éd.

- Du mousse de Groix au radio des cargos, Gilbert Nexer, Les cahiers de l'île de Groix, mai 2004

- http://enguerrand.gourong.free.fr/

 

Gilbert Duval, avril 2010, mars 2015