Yann-Ber Kalloc'h (Jean-Pierre Calloc'h en français) est né le 21 juillet 1888 à Groix, au village de Kerclavezig, d’un père matelot originaire de l’ile, Jean-Pierre Calloc’h, 41 ans et de Marie Josèphe Glouahec, 35 ans, originaire de Locmiquélic.
Il est le troisième et le premier fils d’une famille de 4 enfants.
| Enfant, il aime aller à Port-Lay ou à Saint Nicolas pour se baigner ou mener un canot à la godille. Il cherche aussi crabes, berniques et gros vers pour la pèche. Son père se noie à la Jonchère du Croisic en octobre 1902 alors que Yann-Ber n’a que 14 ans. Sa sœur ainée meurt à 23 ans en 1909 et sa deuxième sœur en 1914 à 27 ans. Comme ses sœurs, son frère décèdera également de troubles nerveux. Sa mère le confie très jeune aux sœurs du Saint Esprit à Kermunition. Il apprend très vite à lire. Il passe à l’école primaire à 6 ans chez les Frères des Ecoles Chrétiennes au Bourg et y est remarqué par l’abbé Le Roux, vicaire de l’ile qui lui enseigne le latin au presbytère. |
A 12 ans, il entre au petit séminaire de Sainte Anne d’Auray en classe de 4°. Tout de suite, il obtient les meilleures notes en français, latin et grec. Il lit beaucoup et écrit des vers en français.
Son ami Léon Palaux l’encourage à apprendre le breton vannetais dont il assimile rapidement le vocabulaire et la grammaire.
Il est élu Président de la classe de philosophie de 1904/1905 qui compte 45 élèves. Il sera bachelier ès-lettres en juillet 1905 à 17 ans.
Il entre au grand séminaire de Vannes en 1905. Les troubles liés aux lois de séparation de l’église et de l’état et aux inventaires obligent les séminaristes à quitter Vannes pour l’abbaye de Kergonan. Il commence à écrire quelques pièces de théâtre et des poèmes en breton. Son inspiration lui vient de sa foi et de son inébranlable attachement à la Bretagne qui se retrouvent dans l’ensemble de son œuvre. Il accepte un poste de surveillant à l’école professionnelle Saint Michel de Priziac. A cette époque, ses sœurs et son frère souffrent de troubles pathologiques qui s’aggravent. En fonction de ces évènements, les règles du droit canon lui interdisent de devenir prêtre. Il restera cependant deux ans encore au séminaire. | |
Il sollicite un poste dans l’enseignement en 1907. Il devient maître d’internat dans une institution libre à Paris. Il n’y a que 6 élèves à la pension.
Il quitte paris pour Reims en 1908. Il y est répétiteur dans un collège qui compte 170 élèves dont 75 dans sa classe.
Pendant les vacances, il s’embarque pour la pèche au thon sur l’ «Aquilon » (Patron Eugène Even). Il recherche les mots bretons les plus anciens afin d’en enrichir le vocabulaire moderne courant et il joue souvent à l’équipage des airs religieux ou bretons à la flute. Bien souvent aussi, il reste seul dans ses réflexions et interroge muettement l’immensité qui l’entoure.
| Il effectue son service militaire à Vitré de 1909 à 1911. Soldat de 2° classe, il fait à sa demande le cours des illettrés en breton à 40 bretonnants. Il rencontre d’autres militants bretons. Il fera partie de l’Union Régionaliste Bretonne puis de la Fédération Régionaliste de Bretagne. Prenant pour pseudonyme le nom de barde Bleimor (Loup de mer), il collabore à plusieurs revues bretonnes. En 1913, il s’inscrit à La Sorbonne afin d’y étudier l’histoire et la littérature. A la déclaration de la guerre, il est à Paris, maître-surveillant à l’Ecole Supérieure de Commerce et d’Industrie. Malade, il est versé dans le service auxiliaire et voit partir ses compagnons d’études. Breton, il ne se sent pas français, mais il cherche à s’engager dans la Marine. Il y est refusé. Il persévère et est affecté dans l’infanterie le 6 novembre. |
En janvier 1915, il prend l’uniforme au 61°RI à Lorient. Il part en stage le 1er avril pour 4 mois à Saint Maixent et est promu aspirant le 20 août.
Fin août 1915, il part pour le front. Son régiment est en position au bois de Saint Mard. En septembre, il est transféré dans la Somme.
Le 12 octobre 1915, il écrit une lettre à Achille Collin qui est à la base d'une grande pétition en 1919 en faveur du breton.
Il est nommé sous-lieutenant. Ses hommes l’apprécient. Par exemple, il monte à l’assaut avec une hache d’abordage que lui avait donnée un de ses amis de Larmor ou il lui arrive de remplacer, sans un mot, ses hommes de garde trop fatigués.
Une offensive s’annonce et les troupes se déplacent.
Au matin du 1o avril 1917, un obus éclate à l’entrée d’un abri où il se trouvait. Il meurt sur le coup à l’âge de 28 ans.
Son corps sera transporté au village de Cerizy, dans l’Aisne.
Son cercueil fut retrouvé en mai 1923 et sa dépouille rapatriée à Groix le 21 juillet de la même année.
Une tombe à croix celtique fut édifiée par souscription et l’inauguration eut lieu le 21 aout 1924. La croix mesure 1,86 m, la taille de Bleimor.
| Sur la tombe, on peut lire : Jehann Ber Kalloch Leshanuet Bleimor Gannet é Groé, 21 Gourhelen 1888 Maruet, ofisour, er Brezel bras Etal Urvillers, 10 imbril 1917 Skrinet en des ur haer a livr : « Ar en deulin » Breihis,pedet Avelton (En français : Jean-Pierre Calloc’h du nom bardique « Loup de Mer » né à Groix le 21 juillet 1888 mort officier à la Grande Guerre auprès d’Urvillers, le 10 avril 1917. Il a écrit un beau livre « à Genoux »- Bretons, priez pour lui.) | |
Son œuvre littéraire le montre comme un des plus grands auteurs bretons dont un recueil posthume de poèmes souvent mystiques, Ar en deulin (À genoux), publié par son ami Pierre Mocaër en 1921. Ce recueil comprend le célèbre poème Me zo ganet e kreiz er mor (Je suis né au milieu de la mer).
Dans ces poèmes composés en grande partie au front, il exprime sa profonde foi chrétienne, l'amour de sa langue et ses sentiments politiques teintés de nationalisme.
| Outre ses poèmes, il fut aussi un grand défenseur de la langue et de la culture bretonne et écrit pour des revues telles Dihunamb, le Reveil Breton, Ar bobl, le Pays breton. Il a également mis en avant certaines spécificités du Breton de Groix, présageant que des grammairiens-lexicographes du futur ne manqueront pas de s’y intéresser. Ce sera le cas dans les années 70 avec E. Ternes de l’Université de langues d’Heidelberg . Son nom figure au Panthéon avec les 546 écrivains morts au champ d'honneur. |