>>

Feu et fumée, pavillons et flammes, sémaphores


Jo Le Port, juin 2007

Les rares vestiges de postes d’observation en Bretagne, après la lente romanisation suite à la défaite des Vénètes en 56 après J.C, ne permettent pas de dire s’il existait comme dans le sud de la Gaule, une véritable organisation de la surveillance du littoral et un système de communication consistant en l’utilisation du feu et de la fumée.

Les Romains avaient établi 3197 tours de guet dont 1200 en Gaule.

Le système des feux et de fumée perdurera jusqu’au XVIII ème siècle ; durant l’administration de Colbert ce système fut maintenu (1681) puis remplacé par des pavillons (1689)

Le 20 juillet 1703 Yves Uzel, recteur de Groix, écrit à Desgraviers, lieutenant du Roi au Port Louis, lui relatant le peu de moyen qu’il avait pour défendre l’île « pour les siniaux nous n’avons pas de [….] pour faire les siniaux, sauf votre meilleur sentiment nous sommes dans le dessein de nous servir du canon péché dont nous avons optenu un affut de l’Orient que nous placerons à Port Tudy et que l’on voira 5 à 6 vaisseaux l’on tirera 1 coup…10 à 11 vaisseaux…2 coups…30 à 40 … 4 coups par intervalle… »

Le 18 août 1704 dans un « Mémoire » que les Habitants de l’Isle de Groa ont l’honneur de présenter à Monseigneur le Comte de Pontchartrain [ secrétaire à la Maison du Roi ] signé par le recteur Yves Uzel :

Entre autres………« de quoy faire des pavillons blancs et rouges pour les signaux de la terre ferme

des mats pour faire monter les pavillons, ou batons de pavillons »……………….

Le 17 septembre Clairambault [commissaire ordonnateur du département maritime du Port Louis] joignant ses commentaires du Mémoire, quant aux signaux « et au lieu des mats de pavillons qu’ils demandent, ils feront des signaux avec de la fumée » (en marge, de la main de Pontchartrain « bon, leur expliquer »

Il faudra attendre la construction des forts de La Croix et du Grognon au milieu du XVIIIème siècle pour mettre en place un mât de pavillon.

La carte de 1762, signée Polchet, ne mentionne que le « signal du Grognon »

Le 3 septembre 1783 le Traité de Versailles met fin à la guerre d’indépendance des Etats-Unis, la majorité des batteries sont désarmées et les signaux abandonnés.

19 février 1793, organisation de la défense des côtes de Lorient au Couesnon et établissement de postes de signaux.

Le 25 avril 1793 le « Pocès verbal de la visite de l’Isle de Groix » mentionne :

Fort La Croix

En auant de ce fort est un mat de pavillon pour les signaux, il a besoin de deux accord et de drisses neuves…

Le gardien des signaux nommé Jacques Calloch [ il habite à Kervaillet ] a été placé par le sindic des classes depuis le 1er mars, son traitement doit être de 36 livres, il n’a encore rien touché.

Le village de Crealle est situé en ce centre de l’isle sur une hauteur nous croyons nécessaire d’y établir un mat de pavillon pour faciliter le rassemblement des insulaires.

Le mat est rendu sur le lieu, l’on a besoin que des pavillons et drisses.

Fort Grognon.à quelque distance de ce poste il y a deux mats de pavillon pour la répétition des signaux, le citoyen Pascal Tristan [ il habite au Bourg ] a été nommé gardien des signaux à compter du 1er mars dernier.

Nous avons trouvé en bon état 2 pavillons nationaux, 1 rouge et 1 bleu, les trois flammes, 2 fanaux, 1 porte voix. »

Le 7 prairial an VI (26 mai 1798 ) la Convention décide que le service des vigies de signaux de côte fera désormais partie du Ministère de la Marine. D’anciens marins seront affectés à cette tâche. Ce qui est déjà le cas à Groix.

Nous n’avons pas d’éléments concernant le logement du gardien qui devait être « un petit corps de garde voûté »

En octobre 1801 Bonaparte nomme l’amiral Decrès Ministre de la Marine qui réorganise le 2 juin 1804 le système des signaux et le 14 avril 1806, nouveau système, espèce de télégraphe, supprimant l’emploi des pavillons, auquel on a donné le nom de « Sémaphore » selon l’idée d’un officier d’artillerie, Dupillon qui s’est inspiré de Chiappe qui l’avait inventé en 1778.

Le système Dupillon consiste en 1 mât de 40 mètres sur lequel pivote trois ailes de 4 mètres formées d’un cadre de bois dont la moitié comprend 4 lattes en claire voie manipulé par des roues et des chaînes. Les ailes peuvent prendre 8 orientations.

A cela s’ajoute une cabane de 3m90 sur 2m70 dont une petite cour cernée par un mur dans laquelle se trouve le sémaphore.

Dans le 3ème arrondissement maritime de Lorient les sémaphores entrent en service en décembre 1806.

A Groix les guetteurs sont Jacques Calloch, au fort de La Croix, cité plus haut, il décède en 1812 et est remplacé par François Davigo qui habite au Bourg et Antoine Stephant, qui habite à Crehal, au Grognon.

Le 26 avril 1814 le Ministre-Commissaire Malouet ordonne la suppression des sémaphores.

Le cadastre de Groix créé en 1837 porte la mention « ancien sémaphore » au n° 1364 de la section F ;

Le 20 mai 1850 est décidé la réorganisation des sémaphores.

Le 28 novembre 1860 M. Lehagre entrepreneur à Lorient (il avait reconstruit l’église du Bourg entre 1849 et 1851) est chargé de la construction de 10 maisons pour postes sémaphoriques dans le 3ème arrondissement maritime de Lorient dont :

La 2ème dans l’Ile de Groix sur l’emplacement de l’ancien sémaphore du Grognon.

La 3ème dans l’Ile de Groix près du fort ou dans le fort de La Croix.

 


Le sémaphore de la pointe Ouest.
Lemire, 1930

Pour le Grognon les travaux ne posèrent pas de problèmes, quant au fort La Croix, les propositions du glacis du fort ne furent pas acceptées par l’autorité militaire, celle de l’intérieur du fort refusée à cause de la présence du phare.

Il fut proposé l’emplacement de la redoute « des Pierres » ou de « Pennenez » qui avait été supprimée en 1856, cet emplacement fut accepté après accord du Directeur des Fortifications le 25/02/1862, de l’Ingénieur des travaux maritimes le 14/03/1862 et du Directeur des Travaux Hydrauliques le 15/03/1862. Il fut décidé de construire le bâtiment sur un soubassement de 2m50 de haut.

Les premières observations météorologiques remontent à 1864, les plus anciennes des sémaphores.

L’édification du fort du Haut Grognon entre 1878 et 1881 entraîna le projet de reconstruction du sémaphore 80 m vers le nord, finalement le 03/02/1881 il fut décidé de le construire à Beg Melen, et René Vannier entrepreneur au Port Louis chargé de la construction.

Le sémaphore dit de La Croix ou Lacroix fut désarmé en 1945.


 Bibliographie
  • Service Historique de la Défense. Lorient

 - Série K

 - " Un oeil sur l'océan " Olivier Maillet, 1995

  • Manuscrit J.P Calloc'h. Lycée de Ste Anne d'Auray

 - Recherches aux Archives Nationales.

  • Archives Départementales du Morbihan

 - Série L
 


Feu de la Croix (février 2013)
Photo Yves RAUDE
Photo Yves Raude (tous droits réservés)